Santana Némésis Cole • Vos Papiers, s\'il vous plait !

Commencer par "il était une fois" ? D'accord. Pas question. Vous apprendrez à vos dépends, que je commence par ce que je veux, quand je le veux. Or j'ai décidé d'omettre mon enfance, après tout, c'est une question bien personnelle que vous me posez là, et si ça ne tenait qu'à moi je n'y répondrais pas du tout ! De plus ma vie a pris un tournant bien plus important à mon adolescence. J'ai, comme qui dirait, "trouvé ma voie" à l'époque du lycée. Et croyez-moi, ce n'est pas la conseillère d'orientation qui me fut utile pour cela !

Passons donc sur mes seize premières années, dont je ne vous dévoilerai rien, c'est un principe pour moi. C'est comme ça qu'on épargne les personnes que l'on a connu auparavant. Toujours assurer ses arrières et plus particulièrement les leurs ! Cela faisait donc quelques mois que je fréquentais ce lycée aux couleurs ternes et aux élèves qui parlaient pour ne rien dire. Je n'étais pas particulièrement bien intégrée au sein de ma classe, mais depuis toute jeune je savais sur quelles personnes je pouvais compter et lorsque l'on a des amis fiables, il vaut toujours mieux s'en tenir à leur compagnie plutôt que de se tromper sur le compte d'un nouveau venu.

A ce moment-là donc, j'ai, comme beaucoup de jeunes avant moi, commencé à déconner un peu. Ce qui incluait quelques substances illicites et sans aucun doute un peu d'alcool. Une échappatoire à la vie morne que je menais et qui ne semblait pas me convenir. Je n'étais pourtant pas réellement une mauvaise élève, j'avais quelques difficultés dans certaines matières, mais rien d'insurmontables. Seulement cette année-là, je décidais de lâcher prise. Je ne voyais plus quel était l'intérêt de faire des efforts en vain, faire en sorte d'avoir des notes satisfaisantes, oui, mais dans quel but ? C'est ainsi que la sage Santana commença à prendre son envol, pour foncer droit dans le mur, avouons-le. Je sortais un soir sur deux, voire tous les soirs. J'allais en cours le lendemain matin sans être vraiment très fraiche. Assez souvent j'oubliais quelques exercices, je révisais encore lorsque venaient les soirs où je n'avais rien de prévu, bien qu'ils soient plutôt rares.

Et puis il y a eu ce soir-là... J'étais totalement ivre, je n'avais plus réellement conscience de mes actes, à vrai dire, je n'ai pas énormément de souvenirs de cette nuit-là. Je peux simplement vous dire que beaucoup d'électricité se dégageait entre le jeune homme que j'avais rencontré au début de cette soirée et moi-même et que nous ne projetions pas de finir la nuit seule. Alors que nous étions enfin dehors de la boite de nuit, il se dirigea vers une voiture qui visiblement n'était pas la sienne. Il lui fallut peu de temps pour l'ouvrir et la faire démarrer. Nous avons du au plus faire une vingtaine de kilomètres, mais je n'en avais pas vraiment la notion, avant de nous arrêter près d'une forêt et de finir la nuit sans vêtements. Étrangement ce n'est toujours pas ce qui m'a le plus marqué... désolée pour lui.

Non je me souviens surtout du lendemain matin, lorsque je me suis réveillée seule, dans cette voiture volée et au milieu de nul part. Sans parler du fait que je n'étais pas très couverte. Eh bien croyez-moi, j'aurais pensé être terrifiée, ne pas savoir que faire. Avoir une terrible envie d'appeler quelqu'un à ma rescousse, mais au lieu de ça, j'ai trouvé ça, excitant. Je me suis sentie vivre à nouveau. Prendre des risques, sentir un peu d'adrénaline. Je me suis rhabillée et j'ai couru dans le bois, et puis j'ai fait du stop, tout simplement. Il ne fallait pas avoir l'air effrayée surtout lorsqu'assise côté passager de l'inconnue qui m'avait pris en stop, j'ai aperçut des voitures de flics qui allaient vers le bois. J'admets avoir sourit...

C'est ce soir là que j'ai découvert que ce qui me faisait vibrer, c'était le monde de la nuit. Tout ce que vous autres, parfaits petits citoyens, vous ne connaissez pas. Tout ce qui se passe juste sous votre nez et que vous ne soupçonnez. Les trafics, les courses de voitures, le deal, en bref... l'illégalité. J'étais faite pour ça, sans doute même née pour ça. Certains tombent là-dedans par obligation, par manque d'argent, par dettes, ou encore de générations en générations. Moi, je n'ai fait que suivre ma voie. Rien ni personne ne m'a forcé la main. Ne cherchez pas de responsables. C'est ce que j'aime...

Alors j'ai cherché comment entrer dans ce monde et il m'a semblé que le plus simple serait de commencer par dealer de la drogue, mais c'était contraire à ma moralité. Non pas que je n'y avais jamais touché. Seulement si j'acceptais de mettre ma santé à l'épreuve, je savais que certains clients devaient paraitre vraiment trop jeunes pour ça ou bien que je serais peut-être amenée un jour à fournir une femme enceinte ou que sais-je encore. Je passais donc sur cette option-là.
J'ai donc opté pour quelque chose qui m'était un peu plus familier. Les voitures, naturellement...

J'ai finit par voler des voitures pour quelqu'un d'autre, j'avais donc un modèle bien précis à me procurer pour une heure bien précise et autant dire que si je n'y arrivais pas, je me mettais dans une situation assez désagréable. Ils les revendaient et je touchais ma part. Cette position faisait de moi quelqu'un d'autre, d'une part j'étais une lycéenne un peu trop désinvolte et d'autres part j'apprenais à repérer au premier coup d'œil quelle voiture avait une alarme, je connaissais les prix de la plupart d'entre elles. La mécanique m'intéressait de plus en plus et bientôt le samedi soir, des courses illégales étaient organisées. Et cela comblait mon besoin de vitesse et de puissance. Je fis un ou deux accidents à pleine vitesse, il me fallut une excuse convenable à servir au lycée. Et à ce moment-là je comprenais qu'il était temps de me remettre à travailler d'arrache-pied. Je ne pouvais pas me permettre d'attirer l'attention sur moi parce que mes notes avaient dégringolée et que j'avais à présent un plâtre au bras. Mes amis s'étonnèrent de ce nouveau rebondissement scolaire, ce qu'il restait de ma famille s'en réjouit.

Je revenais dans l'entrepôt avec une superbe Jaguar XF, eh oui on trouve de tout à Los Angeles, lorsque j'entendis des coups des feux. Je décidais d'entrer quand même, peut-être par curiosité ou simplement parce que je n'avais pas pris le temps de changer d'avis. Je vis des hommes à terre, mes deux patrons qui étaient là, en attendant ma livraison étaient cachés derrière une voiture à l'affut. L'homme en question se découvrit l'ombre d'un instant et les abattit tous les deux de sang froid. Je tentais un demi-tour en dérapage, autant partir le plus vite possible, les balles fusaient dans tous les sens et ma belle voiture n'appréciait pas ce privilège. Mais le voilà qui ouvre la portière et saute côté passager en me hurlant d'avancer alors que lui-même continue de viser ceux qui étaient quelques instants plus tôt, mes collègues.

▬ Vous réalisez que vous venez de liquider mes deux patrons ?
▬ Je peux déclarer à ta façon de conduire que tu en connais plus long sur les voitures qu'eux durant toutes leurs vies alors que tu n'es pas même majeure.
▬ Vous ne regardez même pas ma façon de conduire.
▬ Ils étaient un poids pour toi de toute façon. Tu progresseras plus vite sans eux.
▬ Pour qui travaillez-vous ?
▬ Je pourrais te le dire mais il faudrait que je te tue après ça.
▬ Je suis prête à courir le risque.
▬ T'es trop jeune pour ça.
▬ Pour qui travaillez-vous ?

J'ai eu ma réponse. Je vous passerai les détails. L'homme en question était un tueur à gages. Il travaillait seul, on le payait pour supprimer telle ou telle personne, comme on me payait pour voler telle ou telle voiture. Il m'a donné le nom de son client, m'a passé en revue toutes les activités de celui-ci, un gros poisson pour ainsi dire, caché derrière un magnifique bureau, un nom connu avec une cravate bien nouée, un homme d'affaire quoi...

On a fait un peu de route, et puis je l'ai déposé dans un lieu isolé sans me soucier de la façon dont il se tirerait de là. Je suis descendue de la voiture, j'avais encore une ou deux questions à lui poser, bien que je ne m'attendais pas vraiment à une quelconque réponse, ma curiosité me poussait à en savoir toujours plus. Mais il faisait partit de ces hommes qu'il faut prendre aux mots. J'en savais trop, bien trop. J'avais beau être jeune, il avait appris depuis bien longtemps qu'il ne fallait pas courir le risque. J'aurais pu en parler à n'importe qui, à un ami proche ou encore un parent. Je me suis approchée de lui, imprudemment je l'avoue et là, il a sortit son arme à feu. Je n'avais à l'époque aucune idée du modèle que ce pouvait être. Ma réaction fut immédiate, pourtant je n'avais encore jamais été confrontée à une quelconque agression. Je lui ai tordu le bras et il s'est retrouvé à pointer celle-ci contre sa gorge. J'aurais pu le pousser à appuyer sur la détente, mais je n'étais qu'une petite délinquante, une voleuse de voiture qui n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle faisait. Qui ne comprenait pas non plus, comment elle avait pu désarmer un tueur à gages. Il a sourit. Et cela non plus je ne le comprenais pas. Dans un moment pareil, comment pouvait-il sourire ? Évidemment il se doutait que je ne le tuerai pas. Je l'ai lâché et je me suis écartée.

▬ Il n'y a pas de moment d'hésitation possible dans ce monde. Si tu veux y trouver ta place, tu n'aurais jamais le droit de reculer. Il n'y a pas de choix. C'est ta peau ou la leur. Commence par travailler à ton compte, si tu voles des voitures. Regarde en arrière et tu verras que la voleuse c'est pas toi, c'étaient eux. Si tu touchais 20% de l'argent qu'ils se faisaient, estime-toi heureuse.

Je suis partie, sans regarder en arrière. J'ai commencé le trafic de voitures, et en y regardant de plus près, j'ai vu qu'il avait raison, mes "employeurs" se faisaient beaucoup d'argent sur mon dos. Alors j'ai fait route seule. Je volais, je faisais passer la douane et je vendais la voiture en question, seule. J'ai commencé à me faire un sacré petit magot. Mais il a fallut que j'étudie les façons de placer l'argent qui me permettait de ne pas éveiller les soupçons, ce fut l'une des facettes les plus difficiles du métier, échapper à la surveillance de l'Etat américain.

A côté de ça, j'étais comme tous lycéens, en quête d'une autre voie, à savoir des études. Je cherchais quelque chose qui puisse à la fois me passionner le jour et favoriser mon travail de nuit. Le Droit par exemple, aurait sans doute pu m'être utile. Cependant les clients de mes deux univers finiraient par se recouper, réduisant à néant une quelconque couverture et je me lançais alors dans la recherche d'un métier qui trancherait totalement avec cet univers du crime.

Un soir je rentrais chez moi avec la ferme intention d'étudier mon histoire, le bac blanc approchant je me devais d'être à la hauteur des attentes de mes professeurs, afin de sauvegarder mon image d'élève studieuse, que j'étais redevenue, bien que mon manque de sommeil inquiète les enseignants. J'étais dans ma chambre, armée d'un surligneur afin de ne m'attarder que sur les points essentiels de la leçon lorsque la sonnette retentit.

▬ Bonjour est-ce que Santana est là ?
▬ Eh bien, elle est dans sa chambre, mais pardonnez-moi, à qui ai-je l'honneur ?
▬ Pardonnez mon impolitesse, je suis son professeur de logistique.
▬ De... logistique ?

Cette voix m'était familière. Je dévalais les escaliers à la hâte, un tueur à gages chez moi, ça faisait un peu déplacé. Là, au sein de ma famille...

▬ De logistique, c'est bien ça ! Une option pour le troisième trimestre. Je prends des affaires et je suis à vous dans un instant.

J'attrapais un sac et mon manteau, l'idée était de l'éloigner de chez moi. J'avais eu tord sur ses intentions, il avait besoin d'une voiture mais, et voilà ce qui fut un grand bond pour moi, également d'un chauffeur. Une grande étape dans ma vie de hors-la-loi, je m'associais alors avec cet assassin pour la première fois, mais surtout pas pour la dernière.